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Portrait aveyronnais
Publié le 15 mars 2020
Je me souviens qu’en 1990 j’avais fait quelques photos pour un bouquin de la Mission départementale de la culture de l’Aveyron, sur la commune de Salles-la-Source. Paysages, photos de mégalithes, d’églises, et des portraits.
J’étais assez fier de ça, le bouquin s’appelait Opération vilatge, il était intéressant et bien imprimé. Impossible de mettre la main dessus ; peut-être prêté, donné, égaré dans un déménagement, ou bien mis à la benne dans un de ces élans masochistes de nettoyage existentiel par le vide dont je suis capable.
Je ne me souviens pas du nom de ce monsieur ; il doit être noté sur les planches-contact que je n’ai pas sous la main, mais je me souviens de son histoire.
Il vivait dans une grande et belle ferme genre ferme-château, isolée. On avait été accueillis assez fraîchement, l’ami qui dirigeait le projet et moi, par sa fille pas très contente que des gens de Rodez viennent tirer les vers du nez à son père, et qu’il se retrouve en photo dans un bouquin dont elle ne voyait pas l’intérêt.
Lui était aussi ouvert et sympathique que la fille était froide et peu aimable. Il nous avait reçu dans une petite chambre à l’écart du bâtiment principal, blanche, très simple, rangée. Il était content de parler, en occitan (les Rouergats disaient encore « patois » à cette époque), donc je ne comprenais rien mais moi j’étais là juste pour les photos.
C’est en remontant dans la voiture après, que j’ai appris que la femme désagréable n’était pas sa fille, mais la femme de son fils unique, qui était décédé. Elle s’était remariée, et lui vivait donc toujours dans sa propre ferme, mais aussi chez ce couple avec lequel il n’avait pas vraiment de lien familial et avec qui les relations ne semblaient pas très bonnes. Je me souviens que le copain avait même utilisé le mot de séquestration.
On peut le dire maintenant il y a trente ans de ça et ils sont probablement tous morts à l’heure qu’il est.