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Jean-Claude
Publié le 16 décembre 2023
J’ai déjà évoqué la belle figure locale qu’est Jean-Claude dans notre petite ville, il y a déjà douze ans de cela. Il venait de passer l’été en plein soleil, à réparer, seul, avec des outils manuels uniquement, l’avant de son bateau écrasé par une collision nocturne avec un chalutier.
Depuis cette histoire j’ai quitté la ville, y suis revenu, on se voit toujours de loin en loin mais toujours avec plaisir. J’ai relu récemment son joli livre, Quai des tilleuls (Éd. Le Croît Vif, on le trouve encore en ligne). Il y a là dedans un peu du Bosco de L’enfant et la rivière. Un bourru sensible et délicat, qui a construit seul sa maison y compris creusement d’un puits, préfère la lecture à la télé, vit sur son jardin et manie le pinceau d’aquarelle avec autant de délicatesse que le stylo.
Et puis il y a quelques temps, un papier dans la boîte aux lettres, il n’avait pas mon téléphone et voulait me voir. Il a été très malade l’année dernière, une infection cérébrale, trois semaines d’hôpital qui ont failli mal se terminer, et ressorti très amaigri et affaibli. Mais ça va mieux : il va à nouveau à Rochefort (8km) sur le vélo offert par son père pour son certificat d’études, et monte de chez lui à chez nous par la côte de la Charre, qui est raide et dans laquelle je souffre avec mon vélo récent. Lui la monte sans utiliser le dérailleur : sa fierté, il préfère l’effort à la facilité que procurent les machines.
Mais continuer à naviguer en solitaire à quatre-vingt cinq ans passés, ça commence à devenir compliqué, il voulait mettre le bateau en vente et internet n’est pas son truc. Je me suis donc chargé de l’annonce sur le Bon coin, j’ai dit que les photos qu’il me proposait n’était pas suffisantes, qu’il fallait en faire d’autres plus récentes.
On a passé une petite heure sur le bateau, que j’avais déjà visité une fois. Varna III n’est pas un bateau ordinaire, c’est le bateau d’un homme, comme pouvait l’être Joshua ou Pen-Duick premier du nom. Un bateau de solitaire, qui se fout du confort dès lors qu’il a son café dans son quart en alu après le repas, avec un peu de cognac dedans.
Depuis des mois l’annonce est sur le bon coin, je donne périodiquement son téléphone à des personnes intéressées, mais un bateau en bois de douze mètres ne se vend pas comme une guitare.
Et j’ai surtout l’impression, que le bateau ne veut pas plus quitter son propriétaire, que le propriétaire n’a vraiment envie de le vendre.