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Nant, souvenir

Publié le 24 décembre 2024

On dégustait une bière locale en terrasse, dans le joli village de Nant (Aveyron).

Je suis venu à Nant pour la première fois en 1985, envoyé en mission spéciale par l’Armée française sur le camp du Larzac (le premier qui dit que j’allais « en perm’ à Nant », je lui fais bouffer son intégrale de Jacques Demy). C’était pas le bagne : on n’y faisait pas grand chose entre deux siestes ; les gradés passaient les journées à faire des tours dans une Alouette II de l’ALAT, nous on n’avait pas droit, mais pendant ce temps ils nous fichaient la paix, et on y mangeait plutôt bien.
Un samedi soir on était partis en stop avec deux copains pour la fête de Saint-Jean-du-Bruel, tout au fond des gorges de la Dourbie : une sorte de bout du monde entre Larzac et Cévennes.
Il ne se passait strictement rien à cette fête ; sur les onze heures on avait décidé de rentrer, mais le stop n’avait pas marché. On était rentrés à La Cavalerie à pied : 20 km, d’abord au fond des gorges jusqu’à Nant, puis remontée sur le plateau et la traversée du Larzac sous les étoiles, assez magique. On était arrivés au camp sur les trois heures du matin.
En traversant Nant, tout le village était plongé dans l’obscurité, sauf une maison, éclairée, d’où s’échappait La boîte de jazz de Jonasz — le couplet où il parle de l’orgue dans un coin. J’ai encore très nette la sensation de ce que représentait, à 22 ans, sans domicile ni argent, avec des rêves mais aussi des perspectives d’avenir encore bien floues, cette maison en pierre éclairée, où l’on écoutait de la bonne musique : un peu l’incarnation de la Maison d’amour de Pierre Vassiliu.

Je suis repassé plusieurs fois à Nant ces dernières années. Mais à ce jour, comme le grand Meaulnes, je n’ai pas réussi à retrouver la maison.

Terrasse à Nant
Nant, Aveyron, août 2024