La course cycliste

Je me souviens que ce soir-là il y avait course cycliste nocturne dans le centre-ville, et que les coureurs passaient sous les fenêtres de la maison de ses parents — peut-être un 14 juillet. Ça n’arrêtait pas les flonflons, les annonces, les cris des supporters, les applaudissements. On ne pouvait pas fermer la fenêtre parce qu’il faisait chaud, et tout ce bruit l’énervait.

À un moment elle est allée regarder quand même ; son attitude m’a fait penser au Nu provençal de Willy Ronis, et j’ai attrapé le Minox qui n’était jamais loin.

Déception sur la planche-contact : c’était un peu flou, donc irrémédiablement raté selon mes critères de l’époque. Et puis le gros radio-cassettes-même-pas-CD moche, et la lampe à pétrole que je n’avais pas pris le temps d’enlever gâchaient tout. Je n’ai jamais tiré cette photo.

Mais toutes ces années plus tard, ce qui me titille dans cette image, c’est justement le côté impromptu et ces à-côtés pas maîtrisés mais authentiques, qui me rappellent le lieu et le moment mieux que si la photo avait été celle que j’aurais souhaitée à l’époque. Je réalise d’ailleurs maintenant que rien ne nous aurait empêchés de la refaire un autre soir, mise en scène et posée tranquillement, sans objet indésirable et avec le trépied pour la netteté et la profondeur de champ. Mais on n’en a jamais eu l’idée, et ça n’aurait plus été ce souvenir de la course cycliste, un soir de 14 juillet 1986 chez ses parents.