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Mme Dubois

Publié le 5 octobre 2019

Je me souviens qu’on était allés avec mon père et mon frère, la chercher dans un château perdu dans les vignes du côté de Barbezieux en Charente non-maritime (mon grand-père ayant eu la vie sauvée par un fox-terrier lors de l’exode de 1940, il y a toujours eu des fox dans la famille ensuite, jusqu’à la mort de mon père, soit pendant 60 ans).

Il l’avait payée un prix indécent pour un clébard à mon avis, mais c’était un chien à papiers, LOF et tout le bazar, qui s’appelait Quincie de quelquechose du biduletruc comme tous ces chiens avec des zorigines. Mais bon elle n’y était pour rien, c’était une bestiole très sympa et marrante, qu’on a très vite rebaptisée Kiki, ce qui correspondait mieux à notre standing familial.

Mon père en était gaga ; elle ne le quittait jamais, allait au boulot et chez les clients avec lui, il l’appelait « ma secrétaire ». Un jour un commercial de chez Citroën s’est étonné en l’entendant dire qu’il partait en vacances avec sa secrétaire, et lui a dit un peu gêné qu’il ne savait pas qu’il avait une secrétaire et une relation privilégiée avec elle. Le paternel lui a répondu du tac au tac « Comment, je ne vous ai pas présenté Madame Dubois ? » et s’est souvent amusé ensuite à entretenir le quiproquo.

C’est comme ça que Kiki est devenue Madame Dubois, qui passait ses semaines sur la banquette arrière de la voiture ou sous le bureau du père. Ce qui ne l’empêchait pas, quand je l’emmenais en balade le week-end, d’être une redoutable chienne de chasse — pour son compte, n’aimant rien tant que traquer le ragondin au bord de la Charente. Comme son copain Mimile.

Ce jour-là, ou un autre, mais sur le même chemin que celui de la photo, je l’avais perdue. Au bout d’un moment je suis revenu en arrière et l’ai trouvé trempée, boueuse et sanglante, mais vainqueure d’un combat qui avait dû être épique contre une énorme femelle ragondin prête à mettre bas, avec des griffes et incisives monstrueuses.

J’étais un peu triste pour la ragondine et ses petits, mais Kiki était tellement fière d’elle, je ne pouvais que la féliciter de l’exploit. Et direction la douche en rentrant à la maison avant de la rendre à son patron.

Mme Dubois a fini sous une voiture, destin logique pour une secrétaire de garagiste, mais pas dans le cadre de son boulot, non, un samedi après-midi devant la maison, tout bêtement.

Kiki - Mme Dubois
Charente, 1985