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Le musée, suite
Musée de l’école de médecine navale, 2/2
Publié le 2 septembre 2019
(suite de ce billet)
Pour qui s’intéresse professionnellement au corps humain, son fonctionnement, ses disgrâces, le musée de l’École de médecine de Rochefort est une mine de curiosités encore aujourd’hui.
Pour le visiteur lambda comme moi, ça se rapproche un peu quand même d’une sorte de musée des horreurs comme on peut en trouver dans d’autres musées d’Histoire naturelle (souvenir du veau à deux têtes, à Niort). Avec la Mort qui te regarde en face, dans la vitrine, avec toujours ce drôle de sourire, même les enfants. Surtout les enfants.
Horreurs de la nature (kystes ovariens et calculs urinaires de taille monstrueuse), fœtus malformés, fractures recollées comme elles ont pu.
Horreur de la violence du temps où la médecine était empirique à un point que l’on a du mal à imaginer, les anesthésiques inconnus, inefficaces ou meurtriers (combien d’essais ratés de l’éther ou du curare avant de trouver les bons dosages). Les trépanations au pif jusqu’à tomber sur l’hématome recherché, et les trous infructueux pour le bonheur des microbes — un temps où la science du médecin de bord était finalement plus proche de la technique du boucher-charcutier que de ce que l’on connaît aujourd’hui.
Mais la différence avec de simples vitrines de monstres, cette volonté de connaître, transmettre, pour soigner — même sur un bateau de guerre.
Et puis les livres : la bibliothèque est une des plus riches qui soient sur le sujet. Médecine, comptes-rendus de voyages. Zoologie, botanique (le médecin de marine devait aussi être pharmacien), ethnologie. Incunables, catalogues d’oiseaux gravés en noir et blanc et aquarellés à la main.
Parce qu’un médecin se formait aussi dans les livres. Au début ils étaient tellement rares que les étudiants se devaient de les recopier à la main.
Et ce qu’il y a de fascinant dans les musées, c’est d’imaginer tout ce qui s’y trouve dans les réserves, alors que l’on n’a déjà pas la capacité mentale de tout regarder et enregistrer de ce qui est livré au regard — un peu comme lorsque tu visites une grotte aménagée, imaginer le prolongement derrière la barrière, dans le noir, accessible seulement aux spéléos.
Tous ces milliers de livres sur les étagères, ces bocaux et caisses à outils dans des pièces entrevues.
On est ressortis il pleuvait encore à verse, j’ai dû batailler avec la Plus belle fille du monde pour aller prendre une photo derrière le bâtiment, les pieds dans les flaques d’eau. Un aperçu de ce qui reste de l’ancien Hôpital de la Marine, vendu il y a des années à un promoteur véreux — et à l’abandon aujourd’hui.
Mais ça, c’est encore une autre histoire.