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Ile d’Aix
Publié le 20 mars 2019
À une époque j’allais de temps en temps donner un coup de main à l’instit de l’école de l’île d’Aix, classe unique, 14 élèves de la petite section au CM2, avec une ATSEM qui prenait le bateau matin et soir pour venir travailler.
C’était toujours un bon moment pour moi parce qu’elle était sympathique Nathalie, les enfants gentils, on travaillait comme en famille. Prendre le bateau le matin pour aller bosser ça donnait un petit air de vacances, et l’île est une pure merveille.
Elle habitait le logement de fonction au-dessus de la classe avec son mari secrétaire de mairie qui bossait de l’autre côté du couloir ; cool, mais bon, la classe unique sur un bout de rocher même joli, au bout de quelques années le sentiment de tourner un peu en rond et l’envie de voir autre chose, et d’avoir des collègues avec qui causer un peu. Pour autant elle n’avait pas envie de quitter complètement son caillou.
Moi je devais retrouver mon poste fixe l’année suivante, après trois ans d’itinérance. Content de retrouver une classe mais pas emballé à l’idée de revenir pointer tous les matins au même endroit et voir les mêmes têtes. Et ça m’aurait bien plu de revenir sur l’île. J’avais commencé ma carrière en classe unique sur l’Aubrac ; à une époque je voulais tout arrêter pour être gardien de phare. La première année en Bretagne je voulais aussi demander un poste sur l’île d’Arz, Madame n’avait pas voulu. J’avais donc quelques antécédents insulophiles. Mais je ne m’y voyais pas à plein temps non plus.
On avait demandé à l’inspecteur si ça ne serait pas possible qu’on se partage nos deux postes, dont on était titulaires, chacun effectuant un mi-temps sur le continent, et un mi-temps sur l’île. On ne demandait pas de frais de déplacement ni rien, hein, juste que ça nous aurait donné un peu d’air et de plaisir à travailler à tous les deux, et que les enfants, forcément, y auraient été gagnants aussi. Un prof bien dans sa peau, c’est toujours mieux pour les élèves, que l’inverse.
Évidemment la réponse ça a été : « Oh la la, vous ne vous rendez pas compte comme ça va être compliqué ce que vous demandez, le DASEN ne voudra jamais... la question de la responsabilité... elle est directrice de l’école... et même s’il était d’accord, les syndicats ne le seront pas... enfin vous pouvez quand même faire une lettre... »
Je ne sais plus trop si on a fait ou non, la lettre ; enfin l’année suivante, j’étais bien coincé dans mon trou de campagne, et si ça se trouve elle est toujours collée comme une bernique sur son rocher — à moins qu’ils n’aient fini par la fermer, l’école.
Pourtant c’est sacrément joli, l’île d’Aix.