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La Grière
Publié le 26 janvier 2016
Ballon, sable, souvenirs
C’est pour moi la plus belle plage du monde. C’est la plage de mon enfance, ça y fait un peu bien sûr, mais objectivement aussi, c’est la plus belle plage du monde. Vraiment.
Je passe de temps en temps dans le coin, et à chaque fois le pèlerinage obligé, descendre la digue, et s’asseoir quelques instants le derrière dans le sable humide, ou sur un rocher, à regarder au loin l’île de Ré où à 53 ans et habitant la Charente-Maritime depuis 12 ans, je n’ai encore jamais mis les pieds. Quand on la voit bien, c’est signe de mauvais temps, disait-on.
Il y a dans ce coin de Vendée une lumière particulière, intense, violente, plus encore que sur la côte Aquitaine, et qu’au nord vers Les Sables, je ne sais pas à quoi ça tient. Mais c’est toujours un éblouissement.
On y venait bien sûr autrefois mais de loin en loin avec la chérie, les enfants, le chien. Et même je m’y suis baigné une fois en décembre et de nuit, c’était il y a lurette. J’ai changé de chérie (l’y ai amenée bien sûr, aussi, ma Plus belle fille du monde, et même, elle s’y est baignée, elle qui n’aime que l’eau bleue comme ses yeux, avec des carreaux au fond), les enfants sont partis, le chien aussi... Ce jour-là j’étais seul à regarder la mer, en plissant les yeux parce que je n’avais pas de lunettes de soleil.
Pensais que le Père, avec le sens de la mesure qui le caractérisait, avait l’habitude de dire que toutes les familles de la Faute sur Mer, et de l’Aiguillon, étaient issues de bagnards évadés de l’île de Ré à la nage.
Me disais qu’il fallait quand même qu’ils soient sacrément nombreux, sacrément bons nageurs, et résistants au froid, les évadés. C’est le Pertuis Breton je crois (ou d’Antioche ?) et ça ne se traverse pas comme le bassin de la piscine municipale.
Il ajoutait qu’à une époque les mêmes gars de La Faute étaient un peu aussi « frères de la côte ».
Je n’y croyais pas trop, mais j’aimais bien ces histoires. On trouvait bien nous aussi des bouts d’épaves sur la plage, après les tempêtes, et dans ce coin le bois (enfin plus loin à l’intérieur des terres, dans le marais) c’était rare, et donc précieux. Alors forcément qu’ils ramassaient aussi. De là à provoquer les naufrages...
Et puis le grand-père montrait un de ses trésors, une charnière en bronze du paquebot « Champlain », naufragé en 1940 à La Rochelle, qu’il tenait toujours rutilante. Je ne sais plus comment il l’avait récupérée, c’était de vieilles histoires mille fois entendues. Elle doit se trouver encore chez ma mère, penser à regarder la prochaine fois même si elle ne se souvient sans doute plus de son origine.
Aussi loin que je m’en souvienne, je crois que j’ai toujours rêvé de faire moi aussi cette traversée Ré - La Tranche à la nage. Un jour il faudrait vraiment le tenter, ça serait une belle aventure. C’est moins loin que le détroit de Magellan, et j’ai encore le temps devant moi : l’endurance c’est un truc pour les vieux, y’a qu’à voir les fadas qui traversent la Manche en slip.
Et puis moi les jeux de ballon, c’est pas mon truc.