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Arbre, volet fermé
Publié le 7 juillet 2015
Ils s’étaient connus dans cette maison, ou plus certainement entre les deux maisons voisines, après la guerre.
Elle l’habitait avec ses parents. Ses oncles et tantes à lui, tous sans enfants, (et je me perds dans les noms, sauf la tante Néné qui jouait du piano, et l’oncle Jean qui avait acheté cette grande bâtisse après ses années d’Algérie) habitaient en tribu la grande maison d’à côté, à triple rangée de génoise quand la petite n’en avait que deux, et il venait souvent les voir, et sans doute en vacances. Puis il s’y était installé agriculteur pour échapper au STO.
Ensuite eux-mêmes s’étaient installés dans la petite maison après leur mariage ; les premiers enfants y étaient nés. Puis l’avaient vendue pour aller sur Aix (« on n’aurait jamais dû »). Après eux la maison louée quelques années à une vieille dame, puis fermée depuis son décès. La propriétaire à l’abri du besoin, pas intéressée par cette vieille maison pourtant jolie et bien placée, ne voulant pas y faire de travaux, ni la vendre à un prix raisonnable. La maison livrée au pigeons et parfois visitée et fouillée la nuit par des illuminés en quête de trésor.
Lui devenu veuf, revenu habiter avec sa sœur plus jeune qui avait hérité de la grande maison et y vivait seule, au milieu des fantômes des oncles et tantes. Tous les deux se désolant de voir cette maison tomber en ruine, et sans doute les souvenirs associés.
Il paraît que dans la petite maison tout est resté en l’état, comme à la mort de la vieille dame, à part le désordre laissé par les chercheurs de trésor. Le genre de truc que j’aimerais prendre en photos évidemment. La tante à la clé, elle n’y verrait pas d’objection, mais je n’ai pas demandé : ce n’est plus chez eux, et je ne rentre pas dans une maison fermée sans autorisation.
Et puis des fois on préfère juste imaginer, ce qu’il peut y avoir derrière un volet fermé.