Prison

En balade à Rodez où j’avais vécu six ans, 20 ans après avoir quitté la ville.

Rue Combarel où se trouve la maison natale de Soulages, les élèves de la sections Arts plastiques du lycée avaient installé une belle exposition sur les murs en son honneur.

La maternité où était né mon fils avait été rasée, un parking à la place, au pied du mur de la prison.

Cette prison qui rendait la rue particulièrement sinistre était désaffectée depuis un an : il y en a une moderne « à taille humaine » à l’extérieur de la ville maintenant. Celle-ci, ancien couvent avant la Révolution, devait être particulièrement insalubre mais apparemment tout n’était pas rose non plus dans la nouvelle prison modèle.

Exactement en face de la prison se trouvait le Carmel, également désaffecté, et dont les portes ne s’ouvraient pas souvent non plus, et qui ne rendait pas la rue plus joyeuse, même du temps de son activité.

Je pensais aux destins parallèles et face-à-face de ces hommes et ces femmes enfermés volontairement (?) pour les unes, par décision de justice pour les autres, partageant la même réclusion, la même vie collective, privation de vie affective, et même le vocabulaire : cellule, réfectoire... et à tout ce qui les différenciait aussi bien sûr.

J’avais fait quelques photos de l’extérieur de la prison, et une de la cour à travers le guichet en plexiglas de la porte.

En repartant je montais dans ma tête un projet de photos carrées, parallèles, des deux bâtiments abandonnés avant destruction (la prison) ou changement d’affectation (le Carmel), évoquant le quotidien des gens qui vivaient là. J’avais monté pour ça tout un dossier imprimé en quatre exemplaires pour demander les autorisations au maire, au Conseil général, l’évêque, l’administration pénitentiaire. Tout était prêt mais il fallait encore mettre sous enveloppe, chercher les adresses, aller à la poste, peser les envois, tout ça pour très probablement un refus : il est resté un mois sur mon bureau, puis un mois par terre à côté de l’imprimante dans la pile des papiers à traiter/classer, et a fini dans le bac jaune — le traitement habituel de la paperasse chez moi.