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Kantika espiritualak, le film

Publié le 7 octobre 2022

La genèse complète du projet est peu longuette à expliquer, mais c’est une histoire de copains, alors ça me tient à cœur.

Disons que j’ai des attaches profondes et presque anciennes désormais avec la commune de Sainte-Engrâce en Haute-Soule (Pays basque, Nouvelle Aquitaine, France) et que plusieurs fois je suis allé jouer du hautbois en douce dans son église, seul dans le noir. C’est une merveille d’art roman, et l’acoustique en est extraordinaire : on a l’impression que ce n’est pas le hautbois qui est au bout de l’anche, mais que c’est l’église entière qui est l’instrument.

L’été dernier (2021, donc) j’ai été invité par un ami spéléologue et vidéaste, Brice Maestracci, à participer en tant que preneur de son, à son projet de film « Hegoak » : un chant basque interprété par des spéléos dans un gouffre du massif des Arbailles (le Trou du hibou).

 

De mon côté, j’avais depuis longtemps le projet de garder une trace de mes petites explorations sonores solitaires dans l’église de Sainte-Engrâce. Je lui ai donc proposé en retour, d’en faire une petite captation vidéo, plutôt qu’un simple fichier son. Un truc tout simple, la caméra sur pied, et roule ma poule. Et tant qu’à faire, plutôt que jouer tout seul, invité aussi Didier Quéron (on est amis, quasi-frères, depuis l’âge des legos et petites voitures) avec sa contrebasse. Mais il a préféré venir avec son souba comme il l’appelle : « tu verras, dans l’église, ça sera du tonnerre ! »

Cécile et Jean-Paul, deux amis spéléos présents la veille au trou du hibou se sont joints à nous pour l’éclairage de l’église sinon très sombre (avec des torches de spéléo) et on a joué ces cantiques basques oubliés, dénichés sur IMSLP.

Ce que je n’avais pas prévu, c’est qu’une « simple captation » n’est pas dans le champ des possibles pour Brice, qui a pris son temps, mais tiré de cette matinée un film superbe, comme à son habitude (voir sa chaîne Youtube). Et ce, malgré de grosses difficultés de montage dues à l’utilisation d’une seule caméra. Le trou du hibou la veille, était sa première expérience de tournage avec des musiciens ; il n’avait pas encore pris conscience de la difficulté, voire l’impossibilité de synchroniser le son des plans rapprochés lorsqu’ils sont filmés séparément.

Pas de fausse modestie : je trouve le résultat magnifique, grâce au montage dynamique de Brice — en plan fixe, on n’aurait pas pu dépasser les trois minutes sans que ça soit ennuyeux. Ma technique instrumentale est ce qu’elle est, au mieux celle d’un amateur éclairé (par des lampes de spéléo !) On a même assumé un canard pour montrer que c’était du direct et rappeler le côté rural du lieu. Mais je trouve l’association des anches doubles avec la rondeur et la profondeur du soubassophone, sous les voûtes millénaires, magnifique. Et puis ce n’est pas un enregistrement destiné à la Deutsche Grammophon ou la postérité, mais juste pour se faire plaisir.

Le soubassophone de Didier date des années 1920 ou quelque chose d’approchant. J’ai utilisé de mon côté un basson Buffet-Crampon des années 1930-40 fraîchement restauré après des décennies de placard : plaisir aussi de faire jouer ces vieux pépères, qui ont un vrai charme, comme on navigue sur un vieux gréement.

Et parce que cette musique est, tout simplement, belle, et qu’on a essayé, avec nos moyens, de lui faire honneur.

 

Voir aussi Kantika espiritualak, Saint-André de l’Europe.