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Place Dalida

Publié le 20 novembre 2019

Ça m’agace quand je lis à propos de Paris que ça serait « la plus belle ville du monde ». Déjà, pour dire ça faut pas avoir vu Venise, par exemple. Et puis dans la plus belle ville du monde, il n’y aurait pas de gens qui couchent dehors, de dealers, de poubelles éventrées, de merdes de chien et de flaques de pisse sur les trottoirs. Il y aurait plus de vélos et moins de bagnoles comme à Amsterdam, et des espaces verts où l’on pourrait voir des arbres respirer un peu, comme à Londres ou Berlin. Et éventuellement, les gens ne seraient pas obligés de la quitter pour des banlieues à dache lorsqu’ils ont un gosse parce que s’y loger avec une famille est impossible — je ne parle même pas d’acheter un appart, sauf si tu as une tante à héritage. Morte.
Donc, Paris n’est pas la plus belle ville du monde.

Mais malgré tout, même en y vivant tous les jours il faut lui reconnaître un certain charme. Si tu montes à Montmartre un dimanche après-midi ensoleillé, par exemple, c’est l’horreur (un jour une touriste asiatique m’a demandé si c’était encore loin le Saint-Mont Michel, c’est kif-kif moins les sables mouvants). Mais la même chose sous la pluie, y’a plus un chat sur le pavé — juste quelques chinois ou japonais écoutant attentivement leur guide expliquant peut-être que si les seins de Dalida sont si polis et brillants, c’est à cause d’un très vieux rite de fécondité : quand tu peux pas avoir d’enfant tu lui caresses les seins, à la statue, et paf, tu te retrouves quelques mois plus tard avec un bambino en train de baver sur tes genoux. Ce qui pour des chinois qui n’ont pas le droit de faire des enfants, ou si peu, ne doit pas manquer de paraître un truc typiquement français.

Et là tu te dis que si c’est pas la plus belle ville du monde, c’est une ville qui peut avoir malgré tout des petits fragments d’espace-temps privilégiés, et de ces instants fugaces de bonheur visuel qui n’appartiennent qu’à elle.

Place Dalida
Paris, octobre 2019