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Moulin Minot

Publié le 4 novembre 2019

à P.L. et A-L.C. (les gens qui me disent des mots doux à propos de mon blog le lundi matin, ont droit à une dédicace)

Je me souviens qu’il y avait trois moulins sur la Charente à Civray : d’amont en aval le Moulin de Roche, le Moulin neuf et le Moulin Minot.

Celui-là était le seul encore en activité quand j’étais gosse, administré solitairement par une sorte de Maître Cornille poitevin du nom de Rougier et surnommé « Balayette » — je n’ai jamais pensé à demander pourquoi. Un petit bonhomme sec portant pantalon travail bleu et veste grise sur un marcel, et toujours une casquette blanche. On l’entendait souvent brailler comme un putois des trucs qu’on ne comprenait pas au milieu des machines et grosses sangles en cuir qu’on devinait par les ouvertures, dans la pénombre. En fait il n’aimait pas trop que les « drôles » traînent autour de son moulin et il nous faisait un peu peur.

Ça c’était au temps de la pêche à la « gardèche » (vairon) dans la sortie du déversoir ; je ne sais pas s’il y en a encore beaucoup maintenant, des gardèches, dans la Charente, mais à l’époque c’était assez facile de ramener une friture.

Plus tard quand il a fermé, j’ai rêvé de racheter le moulin ; pour y mettre un orgue à tuyaux, un orgue Hammond, un piano à queue, des synthétiseurs partout, un magnéto 8 pistes (on ne rigole pas, merci, c’était les 80s) et un Revox B77. Une console de mixage avec plein de voies — je n’avais qu’une idée assez vague de la fonction du truc mais c’est tellement beau, une console de mixage. Et tant qu’à faire, une écurie pour les chevaux.

À l’époque je ne connaissais pas encore le Baron de l’Espée ; il faut croire malgré ça qu’on avait quelques points communs lui et moi. Mais pas la fortune, et c’est pour pour ça qu’il n’y a pas encore d’orgue ni de piano à queue, au Moulin Minot.

Le père Balayette ses os ne doivent plus lui faire mal, mais le moulin est toujours debout et je pense, abandonné, donc l’espoir toujours permis. Pour ça il suffirait de gagner au loto, c’est dire quand même que la probabilité reste un peu faible.

Surtout que je n’y joue jamais, hein.

Moulin-Minot
Civray, 2013