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Source du Doubs

Publié le 7 avril 2015

Je me souviens... mais les souvenirs parfois sont faibles et les images trompeuses.

J’ai un tirage papier de cette photo, titré « Vallorbe 1997 ». Oui, je me souviens d’une escapade en Suisse à Vallorbe avec les enfants : on avait remonté un ruisseau en rive droite et dans des galets moussus jusqu’à sa source (j’ai toujours été fasciné par les sources et résurgences) et même fait quelques pas dans une grotte un peu plus haut, à la lumière de nos Maglites apportées exprès.

Mais le nom de cette résurgence à Vallorbe ? Impossible de la retrouver via Google. Et sur ma pochette de négatifs, j’avais écrit « Source bleue ». Ah, donc ce n’était pas à Vallorbe, c’était à la Source bleue, dans le Jura français. Ça tombe bien, j’ai plein de souvenirs à propos de cette Source bleue, matière à raconter toute une histoire — même deux histoires en une, et j’avais commencé l’article. Sauf qu’à chercher d’autres images avec Google pour me rafraîchir la mémoire, je me rends compte que ma photo ne ressemble pas du tout, à la Source bleue qui est une paisible source vauclusienne, et ressemble un peu à ma chère Fontaine St-Georges en plus petit.

Alors pourquoi ai-je écrit « Source bleue » sur la pochette du film, si ce n’est pas elle, et que je me souviens parfaitement y être allé, avec force détails ? Sur les bandes précédentes les photos ont été prises à Quiberon et au Muséum à Paris (je ne faisais quasiment plus de photo à cette époque, une pellicule me durait des mois, et des mois ensuite avant de la développer). Les photos suivantes auraient pu être prises n’importe où, mais j’ai marqué « Lausanne ». Juste avant, une photo sans intérêt, d’une vieille chaise déglinguée.

Mais derrière la chaise rouillée, en regardant de près je reconnais la Source bleue, la vraie, qui justifie l’inscription. Explication possible, j’avais photographié cette chaise comme ça en passant, et ensuite je n’avais pas trouvé de composition qui me satisfasse, de la source. Et donc préféré ne pas déclencher, plutôt que faire une photo banale. Ou bien, j’en aurais ai fait des photos en couleur avec les enfants (des photos-souvenir...) Mais elles ne devaient pas être terribles, je ne crois pas qu’elles soient dans les albums qu’on faisait à l’époque. Sans doute reléguées dans le « vrac ».

Mais alors quelle est donc cette autre source mystérieuse ? Je ne suis allé que deux fois dans ma vie dans le Jura, c’est vraiment un beau pays, mais que je ne connais pas du tout.

Je me souviens de la source de la Loue, au fond d’une grande reculée, très spectaculaire, ça ne ressemble pas.

En élargissant mes recherches j’ai fini par trouver que cette photo représente la source du Doubs.

Et de la source du Doubs, à part cette photo qui constitue quand même une sérieuse présomption pour que je l’aie vue, je n’ai absolument, rigoureusement, aucun souvenir. J’aurais juré avec la meilleure foi du monde, ne l’avoir jamais vue, et n’y être jamais allé. La photo s’est substituée au souvenir, avec un autre nom, une autre localisation. En cherchant un peu me revient quand même une odeur de mousse, de buis, une sensation d’humidité mais c’est commun à tous ces lieux. Et l’envie que j’avais d’aller voir, comme toujours aussi, ce qu’il y avait au-delà de cette bouche noire, comme la frustration qu’avec un tel débit ce n’était pas possible (ah qu’il est laid, le débit de l’eau...)

De la photographie comme prothèse, parfois trompeuse, de la mémoire.