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Carnets de l’Aventure

Publié le 5 mai 2020

À Patrick La Garde

Je me souviens que c’était dans une grotte qui s’ouvrait derrière un lierre, un peu plus haut que la plage de Civray, juste sous la maison de Lévesque le marchand de bestiaux (celui-là même qui une nuit sur le coup de deux ou trois heures avait téléphoné aux parents en menaçant de tuer notre chien qui hurlait à la mort sous ses fenêtres, sa chienne à lui étant en chaleur). Le toponyme c’est toujours La Folie.

C’est peut-être un peu à cause de cette ancienne trouille du père Lévesque et son fusil que l’on n’a jamais terminé l’exploration de cette grotte ; le terrain était fermé par un vieux portail juste en bordure de la route, il fallait entrer et courir ou ramper dans les herbes jusqu’à l’abri du lierre sans se faire repérer. Comme la spéléo c’était strictement interdit par les parents, on en faisait quand même, mais sans le dire ; donc on préférait faire nos coups dans des trous plus isolés. Ajoutez à ça qu’elle était plus profonde et compliquée que ce que l’on connaissait jusque là, et que l’imprudence, même à 16-17 ans a ses limites : on avait quand même conscience de la précarité de notre éclairage et qu’en cas de pépin personne n’aurait eu l’idée de nous chercher là. [1]

Notez le casque de skateboard offert par mon grand frère avec l’initiale dessus, la classe, et la frontale bricolée à partir de je ne sais plus trop quel récup’ ou phare de vélo, et maintenue par un bracelet de chambre air. Mais la combinaison, attention les yeux, c’était la première sortie avec une vraie combi de spéléo commandée au Vieux Campeur et livrée en cachette toujours, chez une copine. Dans le même colis : une échelle souple, un casque avec éclairage acétylène que devait porter le copain Alain, qui a pris la photo, et un baudrier fait d’une sangle unique, qui fait maintenant ricaner les vieux spéléos quand ils l’évoquent tant il était difficile à régler. Pour moi qui descendais en rappel les grands puits du gouffre de la Pierre Saint-Martin, ou plus exactement l’escalier du sous-sol dans des baudriers bricolés avec de vieilles ceintures de sécurité piquées dans l’établi paternel, c’était quand même le confort moderne.

Je me souviens qu’Alain avait un beau reflex Ricoh noir, et son père un agrandisseur. On avait tiré les photos ensemble, ma toute première rencontre avec l’éclairage inactinique, l’hydroquinone et l’hyposulfite. Si ça se trouve c’est là que que j’ai chopé le virus de la photo, après celui de la spéléo.

Spéléo
Civray, vers 1980 - Photo Alain Migeon

[1Mésaventure arrivée à l’ami en dédicace, qui vivait en Espagne quand il était ado : avec deux ou trois copains ils avaient annoncé aller faire une rando dans une direction, et étaient finalement partis explorer une grotte, en short et t-shirt, dans la direction opposée. La grotte était immense, ils se sont perdus, plus d’éclairage. On les a retrouvés en hypothermie le quatrième jour par le hasard d’un pêcheur qui avait entendu l’avis de recherche à la radio et fait le lien avec les trois jeunes qu’il avait vu passer en vélo (il n’a plus mis les pieds sous terre du reste de sa vie, même dans une grotte aménagée). Si vous êtes dans une région à trous avec un jeune mordu d’exploration : plutôt qu’interdire, inscrivez-le dans un club, ou a minima, incitez-le dire où il va et quand il compte sortir...