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Pour Madeleine
Les photos perdues, et retrouvées, d’Arakoeix
Publié le 6 janvier 2019
J’ai eu la chance de connaître, et d’être ami avec, Madeleine Cabidoche. Avec son mari Michel, elle était une figure tutélaire de la spéléologie pyrénéenne. Ensemble ils avaient consacré une partie de leur vie à étudier les aphaenops, coléoptères cavernicoles endémiques du Gouffre de la Pierre Saint-Martin, dont une variété porte leur nom (aphaenops cabidochei).
Et surtout, c’était ce qu’on appelle une belle personne, une femme adorable. Cette page hommage (en langue Basque, mais les photos méritent le détour), et cet hommage sur le blog du Groupe spéléologique Haut-Pyrénéen, faites par des gens qui l’ont mieux connue que moi, vous en apprendront plus.
Moi qui n’ai jamais pratiqué la spéléologie ailleurs que dans les bouquins, ou si peu, je l’avais rencontrée via l’Association de recherches spéléologiques internationales de la Pierre Saint-Martin (ARSIP). Elle n’allait plus sous terre depuis belle-lurette mais se passionnait toujours autant pour le sujet. Et notre attachement commun à la Haute-Soule et au village de Sainte-Engrâce, avait fait naître une amitié qu’elle avait de toutes façons le don de provoquer.
Ajoutez à cela qu’elle avait l’âge de ma mère, portait le même prénom, présentait une certaine ressemblance physique avec elle, et que toutes les deux avaient été enseignantes. Mais alors que ma mère explore toujours plus profond les galeries et méandres du gouffre d’Alzheimer depuis plusieurs années, Madeleine avait gardé toutes ses facultés intellectuelles, puisqu’à 86 ans elle suivait attentivement sur Internet la progression des recherches spéléo à la Pierre, et participait par mail aux discussions sur la possibilité de découvertes d’une nouvelle rivière souterraine, ou autre.
Elle avait une vieille petite maison à Sainte-Engrâce, qui était en grande partie restée dans son jus question confort, en-dehors d’une salle d’eau, une machine à laver et et même un lave-vaisselle : Arakoeix. Les spéléos de l’ARSIP la connaissent bien, cette maison. Depuis des années (toujours ?) Madeleine leur mettait à disposition comme camp de base l’hiver : la clé où vous savez, trois euros la nuit pour les abonnements eau-électricité, à laisser dans un pot à sel sur la cheminée, on vient avec son duvet, un coup de balai en partant, et les menus travaux d’entretien. Et chacun avait à cœur de laisser au moins aussi bien, sinon mieux, après son passage. On y avait même installé un beau poêle à bois de récup’, pour se chauffer un peu.
L’été 2017 Madeleine nous avait mis sa maison à disposition pour une semaine, les enfants nous y avaient rejoint, on n’avait pas été réunis depuis longtemps, c’était bien.
Comme elle ne pouvait plus se déplacer, j’avais fait une série de photos en noir et blanc dans la maison, à main levée en lumière naturelle (et il n’y en avait pas beaucoup). Je pensais lui offrir ensuite sous forme d’un petit livre à feuilleter dans sa résidence de Tarbes, où sa chambre donnait sur les crêtes, à l’horizon.
Et puis j’ai laissé passer trop de temps ; quand j’ai voulu développer les films de l’été, n’avais sous la main qu’un révélateur périmé, pensé que ça irait quand même, résultat aucune image sur le film : merde. Et Madeleine est morte au mois d’octobre 2018 sans avoir eu ses photos.
Découragé et en colère, j’ai continué à faire des photos depuis, mais sans développer les films, que je mettais simplement au frigo ; certains y stagnaient depuis plus d’un an. Ce week-end, plein de bonnes résolutions, je les ai tous développés, avec du révélateur frais, et sans raté. Sur l’un, trouvé ces quelques photos, indépendantes de la série perdue - sans doute faites avant que j’en aie le projet, ou peut-être après (oui, la dernière photo le matin du départ, je me souviens).
Content et ému de les voir, ces photos. Si ça se trouve, les autres ne valaient pas beaucoup plus, et malgré tout, ça réveille des souvenirs. Et puis, voilà, l’occasion de parler de Madeleine.
Messages
6 janvier 2019, 22:58, par Bertrand Ferrier
Après quelques poètes, l’extraterrestre Diane Dufresne chantait avec l’autre extraterrestre du piano Alexis Weissenberg : "Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous." Certains rendez-vous sont reportés. Souvent, ce ne sont pas les moins importants. Bonnes photos du passé à venir !